Nabou Leye est loin d’être tirée d’affaire. Le dossier du double meurtre de Pikine Technopole continue de provoquer de vives réactions. Ce drame, qui a coûté la vie à Abdou Aziz Ba, surnommé « Aziz Dabala », et Boubacar Gano, alias « Waly », tous deux poignardés dans leur appartement, est sous les feux des projecteurs depuis l’annonce de la libération provisoire de Nabou Lèye, l’une des sept personnes mises en cause dans cette affaire. Le 21 octobre dernier, cette décision de justice, assortie d’un contrôle judiciaire, est tombée comme un coup de tonnerre, suscitant incompréhension et colère parmi les familles des victimes.
L’avocat des familles, Me Cheikh Khoureyssi Bâ, a exprimé leur indignation en rappelant la gravité des faits et la complexité de l’affaire, laissant entendre que cette libération provisoire n’est pas seulement prématurée, mais également déroutante. « Sa liberté reste précaire », nuance toutefois le journal L’Observateur, en précisant qu’une simple absence de signature sur le registre de contrôle judiciaire pourrait entraîner la révocation de cette mesure.
Cette situation interpelle d’autres juristes et observateurs, qui questionnent les circonstances entourant cette libération. Me Babacar Niang, agrégé des Facultés de droit, s’est ainsi dit étonné que cette décision ait été prise par un juge intérimaire. « Il y a eu un vaste mouvement au sein de la magistrature récemment, et le juge initialement en charge du dossier a été affecté à un autre poste, laissant le cabinet d’instruction sans titulaire », précise-t-il. Selon lui, l’intervention d’un juge intérimaire dans une affaire aussi sensible pourrait fragiliser le déroulement de l’enquête.
Le juriste souligne que le juge intérimaire devrait éviter de prendre des décisions lourdes de conséquences pour ne pas entraver le travail de son futur successeur. « De manière générale, un juge suppléant évite d’agir sur des dossiers complexes pour préserver la continuité des instructions », insiste-t-il, rappelant que la procédure classique exige une audition approfondie sur le fond avant tout placement sous contrôle judiciaire.
La situation est d’autant plus délicate que, d’après L’Observateur, la lourde charge de travail au tribunal de Pikine-Guédiawaye aurait ralenti le rythme des procédures. Ce surplus de dossiers en attente retarderait notamment l’audition de Nabou Lèye, dont la convocation serait pourtant « imminente ». Une source judiciaire précise que, bien que chaque juge puisse théoriquement gérer n’importe quel dossier, la complexité de celui-ci justifierait des précautions particulières.
Cette libération provisoire a, par ailleurs, ravivé des inquiétudes quant à la capacité des instances judiciaires à gérer la pression des familles et l’émotion suscitée par ce crime sordide. Les proches des victimes craignent qu’un relâchement dans la gestion de cette affaire ne compromette l’aboutissement de la justice. Au-delà de la libération conditionnelle de Nabou Lèye, c’est toute la procédure d’instruction qui fait aujourd’hui l’objet de débats, avec en toile de fond un système judiciaire aux moyens souvent insuffisants pour répondre aux attentes des citoyens dans des délais raisonnables.